007 SPECTRE : OLIVIER SCHNEIDER, un français au MI6

007 SPECTRE : OLIVIER SCHNEIDER, un français au MI6

 

Chorégraphe des combats sur 007 Spectre, Olivier Schneider est monté en grade et est le superviseur de toutes les cascades de Mourir peut attendre. Son travail méticuleux et son professionnalisme lui ont permis d’avoir la chance de faire une nouvelle fois partie de la famille Bond et de voir ses responsabilités augmentées. Il avait accepté d’être un des invités de notre convention à Anet en novembre 2016 et de répondre à nos questions.

Propos recueillis par Philippe Lombard et Eric Saussine.

Retranscrits par Jessy Conjat

Eric Saussine : Tu fais partie des cascadeurs français qui font carrière à Hollywood. Comment es-tu arrivé dans le milieu de cinéma ?

Olivier Schneider : J’ai toujours été passionné de cinéma, c’est arrivé très tôt vers 7/8 ans, je voulais être acteur d’abord mais personne dans mon entourage ne faisait partie du milieu donc j’ai décidé de prendre des cours de théâtre et petit à petit, après avoir fait de la figuration, j’ai continué à travailler au théâtre et je me suis mis aux arts martiaux. Avec le cinéma, ça formait mes deux passions. Alors j’ai essayé de continuer les deux pendant un certain temps. Puis j’ai rencontré un régleur de cascades qui m’a donné ma chance et qui m’a pris sous son aile. J’ai commencé comme cascadeur, puis comme assistant. Sur le film Taken, le régleur des cascades était occupé sur deux films en même temps, et c’est là que l’on m’a proposé d’être coordinateur des combats.

ES : Qu’est-ce que tu apportes de personnel à chaque chorégraphie que tu coordonnes ?

OS : C’est assez complexe car on part d’un scénario, d’une histoire, de personnages précis et d’une vision d’un metteur en scène, et qu’une cascade proprement dite à la base ne demande pas beaucoup de créativité. Par contre, une chorégraphie de combat, un affrontement, doit raconter quelque chose au sein d’un film. Par exemple, si un personnage est un flic, il ne se battra pas de la même manière qu’un bureaucrate. Il faut s’adapter au profil du personnage et du comédien qui l’interprète mais aussi de la vision du réalisateur et du film en général. Ça part d’une discussion avec le metteur en scène où l’on définit comment il voit les choses et comment il souhaite filmer, puis une rencontre avec le ou les comédiens. Ensuite, je travaille avec les cascadeurs qui font la chorégraphie que je filme et que je montre ensuite au réalisateur. Et si tout est bon, la deuxième étape peut commencer, qui consiste à s’entraîner avec les acteurs pour les préparer au mieux au tournage de la scène.

ES : Peux-tu nous parler de la conversation que tu as eue avec Sam Mendes et des besoins du scénario qui ont guidé la chorégraphie dans le train avec Daniel Craig et Dave Bautista ?

OS : Avant que je rencontre Sam Mendes, c’est Gary Powell qui m’a appelé. Gary est un gros coordinateur de cascades au cinéma et il travaille sur les Bond depuis quelques temps. Il recherchait un chorégraphe de combat pour Spectre,  non pas pour essayer d’amener quelque chose de nouveau, parce que Daniel Craig et son personnage étaient bien définis depuis Casino Royale, mais pour essayer de rafraîchir les scènes de combats. J’avais donc une latitude réduite étant donné que l’on ne pouvait pas avoir un style de combat radicalement différent de celui qu’il a eu dans ses trois premiers films. J’ai eu rendez-vous à Pinewood où l’on m’a donné 10 pages d’un gros pitch de Spectre. Puis on m’a amené voir Sam Mendes et j’ai parlé 2 heures avec lui. Il a évoqué ces deux grosses scènes de combats qui étaient celles de l’hélicoptère et celle du train, et il m’a demandé comment je voyais les choses pour ces deux scènes. J’avais déjà imaginé quelque chose. Mais ce n’est pas à ce moment là généralement que je fais des propositions précises. Au final, ça a plutôt servi à voir si le contact allait passer et si je travaillais bien, et une heure et demie après, il me dit : « Ecoute, on va travailler ensemble. »

Philippe Lombard : Ça veut dire que vous partez du film, vous ne regardez pas le passé, vous ne vous dites pas : « Tiens, il y a déjà eu une scène dans un train comme dans Bons Baisers de Russie ». Vous ne vous êtes pas dit : « Je vais regarder la scène et voir ce que je peux ajouter ? » Vous partez vraiment du scénario et vous regardez ce que vous pouvez faire ?

OS : Bons baisers de Russie, ce n’était pas le même acteur et même si ça reste un Bond, Daniel Craig a une autre manière de bouger… et il fallait aussi un petit peu se mettre au goût du jour. J’avais carte blanche pour le combat dans le train. C’était assez flippant au début parce que, contrairement à une production plus petite ou française, où on nous dit : « Voilà, tu as ces éléments, qu’est-ce que tu peux faire ? », sur Bond on te donne tout ce dont tu as besoin. Du coup, ça ouvre un champ de possibilités assez énorme. J’ai donc imaginé tout le combat de A à Z , à savoir d’où ça allait commencer, la continuité quand il passe de wagon en wagon… On savait que ça allait commencer au wagon-restaurant après la scène entre Léa et Daniel. Mais après on pouvait poursuivre la scène dans des décors adaptés au combat. C’était en fonction de ce que la chorégraphie demandait. Ce que j’ai trouvé très intéressant, c’est de pouvoir travailler avec tous les départements, décors, accessoires… et ensemble, on a mis en place toute cette chorégraphie.

PL : Tu avais deux acteurs avec une corpulence très différente, Daniel Craig et Dave Bautista. Qu’est-ce que ça implique d’avoir une armoire à glace face à un gars costaud mais beaucoup plus petit ?

OS : Ce qui est un peu délicat, c’est de garder une part de réalisme et, en même temps, donner un côté spectacle. Quand j’ai vu pour la première fois Bautista arriver, c’était assez impressionnant et en plus avec son passé dans les arts martiaux, il fallait trouver le moyen de rendre ça crédible. Alors avec ce que l’on connait de Bond, quelqu’un qui a des ressources et qui a ce qu’il faut sous le pied, il fallait rendre ce combat intéressant, violent. Et on voulait garder ce côté réaliste mais spectaculaire. J’avais appelé cette chorégraphie le « Tornado Fight » car tout ce qui passe derrière eux est cassé ou détruit. En fait, dès le début du combat, on joue vraiment l’aspect force surhumaine de Hinx, laissant le temps à Bond de reprendre pied après avoir été surpris et se battre contre Dave avec les techniques qu’il a. On voulait aussi qu’il se serve de ce qu’il a sous la main comme le moment où il ramasse un pic à glace. C’était très important pour moi d’utiliser le décor et permettre de changer d’univers, passant du wagon restaurant, au bar, à la cuisine, jusqu’au wagon de marchandises, et adapter le combat à ces univers. Mais tout en gardant la touche de réalisme.

PL : Et entre la préparation et le tournage-même, ça prend combien de temps pour une scène de ce type ?

OS : Ça prend pas mal de temps, c’est beaucoup de discussions. J’avais demandé à ce qu’on me fournisse deux wagons en bois fait très grossièrement pour me donner les bons espaces et donc à partir de ces deux wagons, la déco m’a amené des éléments comme le bar ou des cartons qui m’ont donné chaque atmosphère de chaque wagon. J’installais ce dont j’avais besoin en imaginant ce qui allait se passer. Cette étape a pris pas mal de temps, environ 2 semaines, et après, j’ai travaillé avec les cascadeurs et une des doublures de Daniel. On a commencé à réfléchir comment évoluer dans les wagons. Ça, c’est une autre étape qui a pris également une quinzaine de jours. Après, je filme, je monte, pour ensuite montrer ça à Gary Powell et Sam Mendes. Et en fonction de ce qu’ils aimaient, ou pas trop, on est arrivé à quelque chose de final au bout de 2 mois. Et tout ça, avant de commencer à entraîner Daniel spécifiquement dessus. J’ai d’abord commencé à entraîner Daniel sur ce que j’appelle du générique, remise en forme, même s’il est déjà très en forme, travail basique pieds, poings, etc. Quand l’enchaînement a été approuvé par Sam Mendes, on l’a montré à Daniel qui l’a approuvé aussi, et alors on a commencé à travailler spécifiquement sur la chorégraphie. Même si on a beaucoup de temps sur un Bond, avec près de 4 mois et demi de préparation et 6 mois de tournage, Daniel est très occupé et très pris, il a un emploi du temps très lourd et je ne pouvais pas l’avoir tout le temps. On s’est donc vu une douzaine de fois pour être prêts pour le tournage.

ES : Tu parlais tout à l’heure de discussions avec Daniel Craig, est-ce qu’il s’est impliqué davantage dans les chorégraphies par rapport à son expérience personnelle ?

OS : Chaque acteur amène quelque chose. J’aime bien ça car, au départ, je leur donne ma vision en fonction de ce que j’ai vu d’eux et comment j’imagine le combat, mais après à eux d’ajouter des choses qu’ils ressentent au moment de faire ou de répéter. Ils tentent des choses. Des fois, ça marche, des fois, pas. Mais la chorégraphie de combat, c’est de la mise en scène d’action, donc un acteur peut, à un moment donné, car il a un texte et une vision de son personnage, penser que son personnage devrait faire telle chose et pas celle proposée. A partir du moment où un acteur se sent à l’aise dans une chorégraphie de combat, c’est la même chose pour un texte, il le fera 10 fois mieux. Je pars du principe de ne jamais essayer d’imposer quelque chose à un comédien s’il ne se sent pas à l’aise avec. Je m’adapte pour qu’il soit à l’aise et qu’il soit à son maximum. Daniel a proposé des choses mais il n’a pas trop discuté la chorégraphie car ça lui plaisait et il s’est impliqué au maximum car il sait que c’est une chose très importante pour son personnage, et que la barre a été mise très haute depuis Casino Royale.

PL : Est-ce qu’il a été doublé pour une partie de cette scène ?

OS : Il faut savoir que sur des films comme ça, pour une obligation d’assurances, il y a toujours des doublures. Les doublures me servent à répéter et mettre en place les chorégraphies. Après on essaie de faire faire aux acteurs le maximum de choses et c’est mon rôle de dire à un comédien : « Ça, tu le fais et ça tu ne le fais pas. » Il y a de l’enjeu donc on ne peut pas prendre de risques.

ES : Daniel a été blessé au genou lors de cette scène, comment gérez-vous ce genre de chose ?

OS : C’est arrivé très bêtement, sur un mouvement très simple, mais je pense qu’il avait une accumulation de fatigue et une faiblesse au genou, et en se relevant, il s’est fait un ligament croisé. Mais ça n’a pas du tout eu lieu sur quelque chose d’impressionnant. Sur le coup on a fait un break, il avait mal, mais il a vite remarché normalement. Puis en se remettant au sol, il s’est rendu compte qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Evidemment, dans ces cas-là, le tournage s’arrête. C’est arrivé le deuxième jour de tournage de la scène du train, début février. Donc on a dû suspendre le tournage le temps qu’il voie les médecins et se remette, ce qui fait que l’on a terminé le tournage fin mai. C’était arrivé au moment où ils se battent dans les toilettes, avant qu’ils ne traversent la paroi et n’entrent dans le bar.

ES : Tu avais un peu d’appréhension ?

OS : On a toujours un peu d’appréhension, c’est ce qui nous permet d’être toujours extrêmement vigilant. Avec ce métier, on n’est jamais à l’abri. Notre but, c’est de limiter les risques au maximum, mais on sait bien que quand on fait une scène de combat, il peut y avoir un raté, c’est ce qui nous tient en éveil et on fait tout pour que ce risque soit le plus minime possible. Ça reste une cascade, une scène d’action, et le risque zéro n’existe pas.

ES : Est-ce que tu espères travailler sur un autre James Bond ?

OS : Est-ce que j’aimerai faire un autre James Bond ? Oui mais non à la fois, parce qu’il faut savoir que c’est énormément de pression, c’est dix mois de travail. Personnellement, j’ai vécu ça difficilement parce que je venais d’être papa. Mon fils est né le 15 Juillet et je suis parti le 1er septembre, donc ça a été très dur. J’ai profité pleinement de cette expérience Bond, mais ça reste dix longs mois loin de ma famille. C’est un peu une prison dorée, car notre vie ne dépend plus de nous, elle est dédiée au film. Mais c’est très enrichissant. J’ai eu une chance énorme de pouvoir faire un Bond.

ES : Justement, quand tu choisis tes projets, cela dépend de la durée ?

OS : Par exemple sur Jason Bourne, Gary Powell m’a proposé de venir travailler dessus mais ça voulait dire rentrer 3 semaines puis repartir pour 8 mois. J’ai besoin de temps en temps de revenir chez moi et de profiter de ma famille, me ressourcer. La durée moyenne de travail sur mes autres films, c’était maximum 6 mois. C’est vrai que 10 mois, c’est lourd. Peut-être que d’ici quelques années, je serais prêt à retenter l’expérience. La durée n’est pas le seul paramètre que je prends en compte. Déjà, j’ai le droit de choisir, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, mais j’essaie quand même d’éviter de partir trop longtemps à l’autre bout du monde. J’essaie aussi de me mettre à la réalisation, car ça me plait. J’ai réalisé par exemple une mini-série, Playground, sur la plateforme Blackpills. Je travaille de plus en plus en tant que réalisateur de seconde équipe, donc j’essaie de varier les projets.

 

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