Goldeneye & Meurs un autre jour : Bond’s Revivals

Goldeneye & Meurs un autre jour : Bond’s Revivals
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Article paru dans ARCHIVES 007 : Les Années Brosnan

GoldenEye et Meurs un autre jour sont parmi les plus importants films de l’ère Brosnan. L’un est une transition, l’autre un hommage à la saga tout entière. Tous deux sont des tentatives de « nouveau départ ». Retour sur deux films uniques.

Par Pierre Hirsinger

Après un silence prolongé, le 17e épisode doit reconquérir le public, redéfinir l’essence du personnage et de la saga, et revenir à un style plus « bondien ». Soit, mais comment : relooking, transposition, come-back, transition, modernisation ? Tout cela à la fois et un peu plus encore…

Premier constat, le monde a changé en 6 ans : le Mur est tombé, l’URSS a disparu et la hache de la Guerre Froide est officiellement enterrée. Un contexte qui aurait pu sonner le glas de James Bond. GoldenEye est construit avec brio sur de nombreuses dualités salutaires. Le film de Martin Campbell repose sur une série de dichotomies ancien/nouveau, passé/présent, tradition/modernité, ancienne série « classique »/nouveau style blockbuster américain… L’image du méchant Janus, le dieu aux deux visages, est à ce titre une parfaite métaphore du film.

La saga bondienne, née pendant la Guerre Froide, s’en est nourrie. L’intrigue de GoldenEye devait presque obligatoirement passer par les cases « Russie post communisme », « essor d’organisations maffieuses », « disparition du monde bipolaire et de ses repères». Les références « classiques » à l’espionnage sont donc bien là, depuis le prégénérique se déroulant en 1986, au rituel du mot de passe qui existe toujours en 1995.

Une relique de la guerre froide ?

b1Comme il se doit, le film conserve bon nombre d’aspects et de caractères propres à la saga, à commencer (heureusement) par le personnage de 007 himself. Fidèle à lui-même, il s’en tient à ses anciennes valeurs, alors même qu’il constate qu’elles n’ont plus forcément cours. Ce qui lui vaut entre autre, d’être traité de « dinosaure » et de « relique de la Guerre Froide ».

La bande annonce teaser préviens d’ailleurs d’emblée : « You know the name, you know the number ». Pas de panique : le terrain est connu. Il s’agit bien d’un film de James Bond, avec tous ses éléments clés : Aston Martin DB5, gadgets de « Q » (Desmond Llewelyn répond toujours présent !), lieux exotiques, base secrète du méchant et James Bond girls sexy… Une multitude d’éléments familiers incontournables et indispensables qui donnent au film son identité bondienne. La face A, en quelque sorte.

Face B : des changements subtils qui modernisent la saga en l’ancrant dans son époque. Sur la forme, tout ou presque y est plus gros, plus « fort » : les explosions (quitte à rajouter, de façon parfois criarde, des effets pyrotechniques en images de synthèse), la publicité et le marketing plus voyants, Bond plus démolisseur qui emploie souvent les grands moyens. Un détail indique ce changement. Alors que la nouvelle « M » semble davantage se fier aux chiffres et aux analyses que son prédécesseur, elle ordonne pourtant à Bond de découvrir qui s’est emparé du GoldenEye avant d’ajouter : « Stoppez tout ». Jamais l’ancien M n’avait formulé aussi explicitement une mission orientée « action ».

b2De même, le changement de véhicule de Bond. 007 passe de la traditionnelle Aston Martin à une BMW plus tape à l’œil : une métaphore du virage de la saga, de la transition amorcée avec et par ce film… changement cautionné par « Q », LE gardien du temple !

Autre évolution : le générique de Daniel Kleinman. Celui-ci succède à Maurice Binder avec tous les honneurs, en représentant à merveille cette dualité ancien/nouveau, fin d’une époque/essor d’une nouvelle sur les ruines de l’ancienne. Si le concept et l’esthétique sont fidèles, Kleinman fait cependant évoluer le style et les techniques de son générique. Pour un résultat magnifique.

Cet épisode renoue également avec la démesure des grandes heures, pour en mettre plein la vue, au risque de tomber dans l’excès. La fin du prégénérique ou le recours plus fréquent aux images de synthèse (pratique déjà employée par la concurrence) ne sont pas toujours des plus réussies. Voici venir le « grand spectacle façon jeu vidéo bling bling » qui se confirmera dans les deux films suivants. Le personnage de Fleming retrouve pourtant dans toutes les situations périlleuses une dimension de (super) héros charismatique, un peu mis à mal par Timothy Dalton.

b3Par delà ces éléments de « transition », GoldenEye reflète les évolutions de son temps : celui qui passe, et l’air du temps. Témoin : le « Jardin des statues », où 007 retrouve un Trevelyan, symbole des vestiges d’une époque révolue, qui laisse place au chaos, du moins à des repères plus flous.

La relation entre 007 et 006 « avant et après », leur rapport divergeant au monde actuel et à la vie ne cessent de faire écho au(x) bouleversement(s). Là encore, Bond rassure. Il réfléchit, s’interroge, souffre (un peu)… mais il reste le même.

Ladies First

b4Au final, les véritables innovations du film résident davantage dans l’évolution des personnages féminins et celle de la bande-son. Ladies first. D’abord, le changement qui n’aura échappé à personne (au point d’avoir fait grincer quelques dentiers) : « M » est une femme ! Si Fleming s’est peut-être retourné dans sa tombe, l’idée a cependant fini par être non seulement acceptée, mais également reconnue comme étant une trouvaille bien négociée. D’autant qu’à l’époque de la sortie du film, le chef des services de renseignement britannique est bel et bien une femme. Le choix d’une comédienne expérimentée comme Judi Dench pour le rôle n’y est sans doute aussi pas étranger. Sa relation, ses échanges avec Bond apportent incontestablement un dynamisme à la saga.

b5De manière générale, le rôle des femmes progresse. Les relations de l’agent secret avec ces dernières s’en trouvent – un rien – bouleversées. Même l’innocent (quoique) badinage entre 007 et une Miss Moneypenny désormais plus libérée prend une nouvelle tonalité. Notamment quand cette dernière fait remarquer à l’espion britannique que certaines de ses attitudes à l’égard du sexe dit faible, sont de nos jours, assimilées à du harcèlement sexuel. Ce sont les années 90. Et la belle Natalya ne tombe plus immédiatement dans les bras de 007. Que dire de la venimeuse Xenia qui viole presque Bond dans la scène du hammam ? Pour autant, évolution n’est pas révolution. Ces femmes intelligentes et débrouillardes sont les dignes successeurs de celles de Permis de Tuer, qui n’étaient déjà plus uniquement des pots de fleurs.

b6Avec plus ou moins de bonheur, la partie musicale du film est une autre révolution. « Remous » serait plus conforme. Si la chanson-titre est interprétée avec brio par la légendaire Tina Turner, le choix d’Éric Serra comme compositeur laisse une impression pour le moins mitigée. Le parti pris de s’éloigner du style « classique » de John Barry se justifie, histoire de dépoussiérer le mythe, mais le résultat laisse perplexe, notamment la succession de bruitages électroniques en lieu et place des cuivres et cordes « standards ». Le changement est sans doute trop radical pour un 007.

Et l’interprète dans tout cela ? Pierce Brosnan est un Bond classique, voire passe-partout mais propre sur lui, politiquement correct et plus conventionnel que Timothy Dalton. Son interprétation rencontre un succès indéniable, contribuant à faire de son premier Bond un coup de poker réussi, qui permet à la saga de perdurer.

Les deux épisodes suivants vont en tout cas renforcer le côté «  jeu vidéo sur grand écran », enchaînant des séquences parfois creuses et versant souvent dans l’excès, conçues autour de gros morceaux d’action (vaguement reliés par un semblant de fil conducteur scénaristique) au détriment de l’histoire et des personnages. Jusqu’à ce que Big Ben sonne quarante ans pour 007…

Meurs un autre jour : let’s celebrate !

Le Film
Le Film

2002 marque les 40 ans de la saga bondienne et la sortie du 20e film, premier opus du 21e siècle. Ce nouveau James Bond revêt une importance particulière dans la série. En plus d’être un anniversaire et un hommage à tous les films précédents, Die Another Day clôt une époque et, au-delà, tout un pan de l’histoire bondienne. Après ce film, Bond ne sera plus le même homme !

Loin de n’être qu’un assemblage de séquences « hommages » issues des épisodes précédents, la cuvée 2002 apporte son lot de trouvailles et de nouveautés rafraîchissantes, en plus de la satisfaction non négligeable pour les cinéphiles, d’avoir à nouveau le sentiment d’être « emmené » par et dans ce long métrage, de voir une certaine cohérence (du moins cohésion) dans le scénario… en somme, de voir un « vrai » film et non un gigantesque spot publicitaire à la gloire du dernier modèle des usines BMW. Même si Meurs un autre jour reste un Bond « façon Brosnan », avec tout ce que cela comporte.

nhuoo4cuLes clins d’œil aux anciens épisodes abondent, comme si Eon Productions offrait un luxueux cadeau aux fans de 007 pour les remercier de leur fidélité. Du saut en parachute portant les couleurs britanniques à la couverture d’un trafiquant de diamants qu’emprunte 007 au début du film, les fans jubilent en découvrant toutes les références aux épisodes précédents. Le plus bel hommage étant peut-être le laboratoire de « Q », rempli de gadgets ayant servi lors de missions antérieures. Rétrospectivement, une belle idée, de même que la subtile référence à la 20e montre confiée à Bond.

Meurs un autre jour s’appuie également sur plusieurs éléments clés de Tuer n’est pas jouer et de Permis de Tuer. Pour le premier, citons l’ouverture du film et un premier plan quasi identique : les trois agents troquant l’intrusion en parachute pour le surf, la poursuite en Aston Martin sur glace, ou encore le combat final dans un avion cargo. Pour le deuxième, le fait que 007 ne soit pas en mission officielle pendant la première moitié du film rappelle sa vendetta privée de 1989. Cependant, pas question ici de refaire de 007 un agent freelance pendant deux heures : Bond est réintégré à la moitié du film, qui prend dès lors une voie plus familière : entrevue avec « M », séance d’équipement avec « Q », rencontre feutrée avec le méchant, puis affrontement ouvert, 007 sauve le monde et termine la mission avec la Bond Girl… la routine, en somme.

jinx1Mais Meurs un autre jour rend également hommage à la Guerre Froide, via les différents lieux de l’intrigue où Bond, défenseur du monde libre depuis sa prise de fonctions, est confronté aux derniers bastions du communisme subsistant : Corée du Nord, Cuba, Chine. Cet opus renoue enfin avec les codes du film d’espionnage : pays « symboles » de la Guerre Froide, héros trahi, présence d’agent double et d’un agent dormant allié… version modernisée de ces éléments qui ont fait les riches heures de la saga et du genre cinématographique.

Par ailleurs, le film renoue, de manière bienvenue, avec une certaine british touch : 007 revient à l’Aston Martin – la sublime V12 Vanquish – et opère en partie à Londres. Au rayon des trouvailles inédites fleurant bon le classique bondien, la scène du combat d’escrime ou les différentes représentations de la glace sont autant de notes bienvenues.

Le générique de Daniel Kleinman innove lui aussi, en mêlant visuels traditionnels et véritables images devenant
éléments de narration à part entière. Le style musical électronique de Madonna, interprète du générique du film, fut sujet à controverse. Il apporte une touche avant-gardiste qui sera un succès commercial. Quelques nouveautés préfigurent même Casino Royale : Bond souffre, est arrêté, torturé (le premier quart d’heure est d’une noirceur inédite pour un James Bond), se bat pour son honneur, travaille un temps en solo, est confronté à la trahison d’un agent féminin de son camp.

stirbAlors, que du bon pour ce luxueux anniversaire? Pas complètement. Meurs un autre jour est également frappé du sceau des excès typiques de la période. Les explosions sont légion. Incroyable ce qu’une simple balle tirée continue à provoquer comme dégâts… Les images de synthèse foisonnent, parfois criardes, au point de décrédibiliser certaines scènes. Le satellite destructeur donne, au-delà de l’hommage appuyé, un sérieux sentiment de déjà-vu : c’est le troisième dans la saga avec Les diamants sont éternels et GoldenEye, encore dans toutes les mémoires. Le film renoue avec la démesure des grandes heures : complot à dimension planétaire, voiture invisible et thérapie génique renvoient à On ne vit que deux fois ou Moonraker pour leurs côtés « moins plausible ».

En dépit de ses excès, Meurs un autre jour est un triomphe mondial. Même les critiques d’habitude féroces adoucissent leur plume pour célébrer les 40 ans de la saga, la plus longue et la plus créative du cinéma. Pourtant, à l’issue du film, même constat qu’en 1967 et qu’en 1979 : difficile voire impossible d’aller plus loin dans la même voie. Qu’importe, Bond a prouvé à maintes reprises qu’il savait se renouveler. Le premier et le dernier Bond de Pierce Brosnan l’ont montré, chacun à leur façon. Merci Mr. Brosnan.

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