Judi Dench, une grande Dame

Judi Dench, une grande Dame
Paru dans Le Bond 20 (juin 2010)
Paru dans Le Bond 20 (juin 2010)

Considérée comme l’une des plus grandes actrices d’après-guerre, élevée au rang de trésor national par ses compatriotes, Judi Dench a été élue récemment personnalité préférée des Anglais renvoyant Sa Très Gracieuse Majesté à la deuxième place ! Mais, pour la plupart d’entre nous, Judi Dench est avant tout la « boss » de Bond, la redoutable « M », rôle qu’elle incarne sur le grand écran depuis 1995… Alors qu’elle s’apprête à rédiger ses mémoires, And Furthermore, retour sur un parcours et une personnalité digne de respect.

Par Fanny Rabasse

Il est souvent dit que les actrices ayant atteint un certain âge ont du mal à trouver des rôles, Judi Dench nous prouve le contraire. C’est à plus de 60 ans qu’elle obtient la reconnaissance internationale de ses pairs et devient une actrice connue et reconnue dans le monde entier. Judi Dench accède à cette starisation grâce à sa confrontation avec notre héros britannique 007 dans GoldenEye. À cette époque, le choix d’une femme est assez controversé. Un choix qui peut tenir au fait que le MI5 a été pour la première fois dirigé par une femme, Stella Rimmington, de 1992 à 1996.

Pourquoi ?

Première raison, j’ai été très flattée. Deuxièmement, c’est la première fois que le rôle de « M » était joué par une femme. Enfin, mon mari m’a dit qu’il serait très excité à l’idée de vivre avec une Bond Girl ! », confesse Judi non sans humour.

Judi Dench

Mais Judi est avant tout, et avant Bond, l’une des plus grandes actrices shakespeariennes de sa génération. Née en 1934 à York en Angleterre, sa famille lui donne très tôt le goût du théâtre. Elle se destine à une carrière de créatrice de décors, puis renonce après un an d’étude pour devenir comédienne. Dès sa majorité, elle s’installe à Londres et suit les cours de la célèbre « Central School of Speech Training and Dramatics Arts ». En 1957, elle intègre la « Old Vic Company » et fait ses débuts dans Hamlet. Rôdée au répertoire shakespearien, elle multiplie les apparitions dans les pièces Henry V ou Roméo et Juliette, s’engageant dans de longues tournées qui la mène aux États-Unis, au Canada ou en Europe de l’Est. Son ascension va être fulgurante.

Denchportrait

À l’instar de Diana Rigg ou Timothy Dalton, elle rejoint ensuite la très prestigieuse « Royal Shakespeare Company » puis simultanément les troupes des « Nottingham Playhouse » et « Oxford Playhouse ». Là, elle part en Afrique du Sud jouer Lady Macbeth et partage sa loge avec Maggie Smith. Elles en conserveront une solide amitié.

Les années 60 voient le renouveau du cinéma anglais, mais Judi n’y participe pas. Après un essai pour un rôle, un réalisateur lui rétorque : « Miss Dench, votre visage a tous les défauts et n’est pas fait pour le grand écran ! ». Elle poursuit donc sur les planches. En 1968, bien avant que le rôle ne soit rendu célèbre au cinéma par Liza Minnelli, Judi joue Sally Bowles, le rôle principal dans la toute première adaptation londonienne de la comédie musicale Cabaret. Elle-même est surprise de ce choix car elle n’est pas chanteuse. Elle prend des cours de chant, travaille beaucoup : le résultat est payant. Les critiques sont emballées par son interprétation à la voix légèrement cassée, devenue depuis sa marque de fabrique.

Judi est alors excédée par les spectateurs qui mettent en cause sa voix : « A-t-elle une extinction de voix, une angine ? ». Elle demande à la direction du théâtre d’afficher un écriteau à l’entrée du théâtre : « Miss Dench n’a pas attrapé froid. C’est sa voix normale ! ». Encore ce sens de l’humour et de l’autodérision.

Miss Dench tiendra et aura le rôle titre dans deux autres comédies musicales, The Good Companions et A Little Night Music, pour laquelle elle obtiendra le prix de la meilleur comédienne. La malchance ne sera au rendez-vous qu’une seule fois dans sa longue carrière. Engagée par Andrew Lloyd Weber pour sa toute nouvelle comédie musicale Cats, promise à un succès planétaire, elle se déchire le tendon d’Achille quelques semaines avant la Première. Ellen Paige la remplace et devient, grâce au spectacle, une légende dans le monde des comédies musicales.

JudiTomorro

Retour ensuite à la « Royal Shakespeare Company » pour une inoubliable Lady Macbeth. Pendant plus de vingt ans, la comédienne donne ainsi la pleine mesure de son talent, s’essayant à tous les registres, classique ou moderne, tragique ou comique avec une constante réussite communément saluée à Londres et Broadway. En 1987, elle devient Cléopâtre aux côtés d’Anthony Hopkins. Au metteur en scène, Judi, qui mesure 1m55 lance : « Vous êtes sûr de ce que vous faites ? Vous venez d’engager une naine ménopausée ! ». La pièce est un triomphe…

Fort de ces succès, Judi obtient la reconnaissance de son pays. Elle est la seule actrice au monde à obtenir la même année deux Olivier Awards, l’équivalent de nos Molières, pour deux spectacles différents ! Outre ses nombreuses récompenses, en 1988, elle est faite par la Reine Dame Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique, puis Compagnon d’Honneur en 2005. Dorénavant, elle sera « Dame » Judi Dench.

Malgré son rôle face à Maggie Smith, dans le célèbre Chambre avec Vue de James Ivory, Judi se fait plutôt rare au cinéma mais très présente à la télévision. Des apparitions qui feront beaucoup pour sa popularité outre-Manche. Deux séries sont encore aujourd’hui cultes en Grande-Bretagne : A Fine Romance avec son mari Mickael Williams, entre 1981 et 1983, et As Time Goes By avec Geoffrey Palmer de 1991 à 2000.

Mais la décennie 90 sonne comme un tournant. Son rôle récurrent de « M » dans la saga James Bond, permet à Judi Dench d’être présente sur les écrans du monde entier. Les États-Unis semblent redécouvrir ses grands talents et s’empressent de lui offrir, à 63 ans, sa première nomination aux Oscars, pour La Dame de Windsor, où elle interprète magnifiquement la Reine Victoria. Elle obtiendra finalement l’Oscar pour ses huit minutes de présence dans Shakespeare in Love. Et sera à nouveau nommée pour Chocolat, Iris, Mrs Henderson Presents et Chronique d’un scandale. Au total, six nominations à plus de 60 ans ! Toujours présente sur la scène londonienne, Judi acquiert son statut d’intouchable.

M (JUDI DENCH) at the Mi6 Head Quarters in London. Location: Pinewood Studios, Buckinghamshire, UK
M (JUDI DENCH) at the Mi6 Head Quarters in London.
Location: Pinewood Studios, Buckinghamshire, UK

Côté vie privée, à la fin des années 60, Judi rencontre le comédien Michael Williams, qu’elle épousera en 1971 et avec qui elle formera l’un des couples les plus solides du showbiz. Pendant plus de 30 ans, tous les vendredis, Mickael offrira à Judi une rose rouge. Qu’importe la partie du monde où elle se trouve. Elle refusera beaucoup de contrats à l’étranger pour qu’ils ne soient pas séparés trop longtemps. Lorsque l’on lui demandait qu’elle était sa définition de l’amour, elle répondait invariablement « être simplement dans la même pièce que mon mari ». De leur union naît une fille, Finty, aujourd’hui comédienne, et un petit-fils, Sam. Malheureusement, Mickael décède d’un cancer en 2001. Judi est effondrée. Seul le soutien de sa famille et l’amitié lui permettront de surmonter l’épreuve.

Elle se jettera alors à corps perdu dans le travail, enchaînant les tournages qui sont parmi les plus beaux films de sa carrière. Lors du tournage de The Shipping News quelques mois après la mort de son mari, Kevin Spacey, son partenaire, l’emmène en voyage à New York pour lui changer les idées. Il décide de lui apprendre à conduire un scooter dans central Park. « Après plusieurs essais, elle réussit à démarrer et part en trombe. À un moment, elle passe à côté d’un jeune garçon très étonné qui lui dit : C’est vous qui jouait dans les James Bond, n’est-ce pas ? Et elle répond, régalienne sur son scooter : oui, c’est moi, je suis sa patronne ! », se remémore l’acteur.

À désormais 76 ans, Judi brûle toujours planches et plateaux. En 2009, on peut la voir dans Rage de Sally Potter avec Jude Law, ainsi que de la comédie musicale Nine de Rob Marshall, inspirée du chef d’œuvre de Federico Fellini, Huit et demi, où elle présente, s’il vous plait, un numéro de meneuse de revue des Folies Bergères !

Cette année marque aussi son retour sur les planches londoniennes dans Madame de Sade, puis le classique Songe d’une Nuit d’été dans laquelle elle reprend le rôle de Titania qu’elle avait interprété en 1957 quasi nue, peinte en verte ! Cette fois, elle porte un vrai costume… Actuellement, Judi est en tournage dans la nouvelle adaptation cinématographie de Jane Eyre réalisée par Cary Fukunaga.

Sa simple présence dans une pièce, et les théâtres jouent à guichet fermé. D’une certaine manière, elle remercie la franchise Bond qui lui a permis d’avoir un public plus jeune. Elle se dit que si ce dernier l’aime dans les « James Bond », il aura peut-être l’envie de la découvrir sur scène et élargir ainsi le public des théâtres.

J’eu pour ma part l’immense plaisir de voir trois fois Judi Dench sur scène, notamment dans ses deux dernières pièces. J’ai pu la saluer à la fin de la représentation. Nous avons échangé quelques mots. Impressionnante, elle est très abordable. Comment ne pas se sentir petit devant l’une des actrices les plus primées au monde ! Judi demeure simple, chaleureuse, attentive, pas du tout dans le star-system. Après chacune de nos rencontres, cette grande dame m’a toujours écrit pour me remercier d’avoir fait le voyage depuis Paris ! Une grande Dame…

M

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.