Quand Bond devient un style

Quand Bond devient un style
Paru dans Le Bond 27 - mars 2012
Paru dans Le Bond 27 – mars 2012

Une des raisons du succès retentissant de James Bond à travers le monde est ses codes, qui l’ont rendu célèbre et identifiable parmi tous les héros de cinéma. Mais ces codes se sont très vite transformés en un véritable style, jamais très éloigné de la mode et d’une certaine marque propre à 007.

Par Pierre Fabry 

01Dès ses toutes premières apparitions, trois images fortes sont associées à Bond : la silhouette, le canon de revolver sanguinolent au bout duquel il surgit en préambule de ses aventures (gun barrel), le logo de 007 (gun logo symbol) : les trois évoquent immédiatement l’agent « 00 ». Nous les devons à un designer, Maurice Binder. Cet artisan du cinéma, passé par la publicité, impose, notamment à travers ses fameux génériques baroques et sensuels, une véritable « image de marque » (les 3 symboles sont d’ailleurs des Trade Marks, des marques déposées).

Ils font que partout dans le monde Bond est immédiatement reconnu comme tel. C’est l’une des grandes trouvailles d’Eon : créer une franchise, une marque Bond et la promouvoir ainsi, dans et hors des films.

03Parallèlement, Sean Connery, incarnation cinématographique de 007 bénéficie des conseils vestimentaires et de savoir-vivre de Terence Young. A son image, le réalisateur bâtit la garde-robe et les raffinements d’un dandy séducteur, cultivé, délicat et gourmet. Le « Bond way of life » est né et ne tarde pas à irriguer la société. Bien que cette image soit en contradiction totale avec celle du héros romanesque, elle fait pourtant écho à la précision de Fleming.

Dans ses ouvrages, le romancier cite des marques connues pour définir son héros, ses adversaires et le monde dans lequel ils évoluent. Les producteurs utilisent aussi cette technique et, conscients du bénéfice qu’ils peuvent en tirer, autorisent dès les débuts quelques fabricants à faire la promotion de leurs produits parallèlement à celle des longs métrages.

Dès décembre 1962, la marque de vodka Smirnoff fait paraître un publi-reportage dans Town Magazine bien que le film Dr No soit encore si récent que le texte mentionne le nom de l’acteur incarnant James Bond.

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Ce qui faut aussi la persistance des films de Bond, c’est aussi qu’ils sont un concept. Concept qui ne fut jamais pourtant prémédité. Ce concept est un rêve pour les publicitaires, en ces temps où tout est à inventer en publicité.

L’industrie du vêtement masculin reconnait l’impact des films. Dès avril 1966, l’édition américaine du magazine GQ illustre un article sur le style Bond par une photo de Sean Connery. Vêtements, jeux et jouets, alcools… Nombre de marques achète à la société Danjaq, détentrice des droits et licence de la marque Bond, le droit d’exploiter l’image de 007. L’image forte de Bond est donc utilisée officiellement (sous licence) et officieusement (par allusion), de façon intensive dans les campagnes des années 60 et 70.

Pour autant, les producteurs eux-mêmes ne voient rien d’autre ici que le prolongement d’une British touch éternelle. Ils veillent d’ailleurs à ce que toujours 007 demeure ce « héros en costume », d’aucuns diront le chevalier et son armure : ce sera sa marque de fabrique, son facteur différenciant.

« L’élégance de Bond a toujours été importante à mes yeux. Il s’habille avec soin et, s’il n’est pas issu de l’aristocratie, il n’en symbolise pas moins pour moi comme pour d’autres, ce style britannique inimitable, celui des gentlemen qui savent à coup sûr ce qu’il convient de porter, de boire ou de dire, et à quel moment il faut enfreindre les règles », martèle Cubby Broccoli.

Mais c’est un fait nouveau. Bond inaugure une pratique devenue aujourd’hui courante : le placement de produits et les produits dérivés financent pour la première fois des films.

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Ainsi, depuis l’orée des années 60, le style Bond marque à la fois l’art et la culture populaire, la publicité, le merchandising et la société de consommation naissante jusqu’à imprégner notre quotidien sans que nous y prenions garde : quelques notes de musique, un smoking… Comme le rappelle Barbara Broccoli  :

« aujourd’hui, il se passe rarement une semaine sans qu’il soit fait référence quelque part à quelque chose de bondien. Il suffit d’ouvrir un journal pour lire qu’untel mènerait une existence bondienne, ou pour voir quelqu’un qualifier un lieu de bondien… Il est donc important de décrire et de comprendre ces films dans leur contexte artistique. »

Mais c’est bien sûr dans sa propre imagerie que l’expression du monde onirique et exotique de 007 transparait le mieux. Partout, elle est présente : dans les médias, et surtout dans les films et aux devantures des cinémas. Génériques et affiches expriment par des couleurs chatoyantes ce monde luxueux de bolides, de girls enamourées, de violence et de sexe tempérés, duquel surgit, arme au poing et toujours en smoking, un James Bond impeccable et triomphant ! Plus que revenir pour chaque film, Bond ne disparait jamais vraiment de notre champ de vision.

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