DANJAQ / EON : le studio qu’on aimait ?
Il était une fois l’achat d’une option sur les droits d’adaptation du roman de Ian Fleming par Harry Saltzman. L’histoire est connue. Ce dont on parle moins, c’est du jeu que jouent les studios depuis les débuts de la série. Voilà une saga, dans la saga : rebondissements, réussites, entraves, ennemis et mystères… Ou comment le destin se joue aussi, et plus que jamais, en Bourse.
L’alliance de producteurs
En cette fin des années 50, Ian Fleming, écrivain de romans narrant les aventures d’un agent secret britannique, a obtenu un petit succès en librairie relayé complaisamment par ses relations « upper class » dans la presse. Le producteur Harry Saltzman a jeté son dévolu sur les droits. Le temps passe… Or l’option est limitée dans le temps. Alors que les grands studios ne font pas confiance à Saltzman pour mener à bien ce projet, un troisième larron – Albert R. Broccoli – entre en piste et propose à Harry de lui racheter les droits. Refus catégorique. Ils décident donc bon gré mal gré de s’associer.
Broccoli est connu. Son dernier film, œuvre remarquable sur « le procès d’Oscar Wilde », a connu les « vivats » artistiques, mais de maigres « hourras » en salle. Quoiqu’il en soit, l’homme a une expérience, et surtout une équipe autour de lui pour mener de bout en bout cette production. Son organisation reconstitue le principe d’une mini « Major » (George Lucas s’en inspirera pour Lucasfilm) : un scénariste (Richard Maibaum), un réalisateur (Terence Young, Lewis Gilbert ou Guy Hamilton), un musicien (John Barry) et un décorateur (Ken Adam) se verront fidélisés.
Les deux hommes doivent donc s’entendre. Commence une nouvelle tournée des studios pour financer et distribuer leur bébé. La seule à signer un chèque, somme toute modeste, est United Artists (UA), dont le mode de fonctionnement correspond à celui de « Cubby ». Il fournit son package artistique sur lequel UA se prononce. Après une pré-production précisant méticuleusement le chiffrage, les choix artistiques dépendent des producteurs. UA intervient encore dans la concrétisation du projet : afin d’éviter les dépassements de budget.
La distribution inclut la gestion des droits du film pendant cinq ans au minimum. Les droits annexes, le gunbarrel ou le logo, sont détenus par Danjaq, société détenue à parts égales par les deux compères qui doit son nom aux prénoms des épouses respectives des producteurs…
Détail amusant : 007 n’était alors pas totalement en délicatesse avec les banquiers helvétiques (voir les allusions de Goldfinger à Casino Royale en passant par Le monde ne suffit pas). Danjaq S.A. fut longtemps basée en Suisse, avant de migrer récemment à Santa Monica, Californie, devenant Danjaq LLC, holding de droit américain.
La relation EON / United Artists
Le degré de coopération et d’interaction entre EON, filiale de Danjaq chargée de la production, et UA est compliqué à démêler. Le rôle de cette dernière pouvant être comparé à celui d’un éditeur littéraire qui intervient dans tout le processus de production, au terme duquel les producteurs reçoivent un pourcentage sur les bénéfices. Ceux de Dr No furent jugés suffisamment satisfaisants pour lancer la production de Bons baisers de Russie.
On connaît la suite artistique… D’aucuns dirent que UA influa sur le rythme de l’action dans les Bond pour qu’il se rapproche de celui des comédies musicales produites à l’époque (scènes spectaculaires à intervalles réguliers avant un final grandiose). En matière de contrats, une renégociation sur les bénéfices à l’avantage de nos deux producteurs eut lieu en 1967.
Depuis son introduction en bourse à la fin des années 50, UA multiplie, par souci d’économie d’échelle, les productions, notamment de série B. Aussi, la distribution des premiers 007 suit celle de cette catégorie, ne respectant donc pas le système « Roadshow » (séances précises, prix billets plus élevés et exclusivité dans des salles prestiges). A partir de 1963, UA instaure le principe du « premier showcase » : finies les exclusivités, une multitude de petites salles sont approvisionnées dans tout le pays, ce qui profitera à Goldfinger.
Cette méthode, précurseur des blockbusters, deviendra la norme. Elle sera complétée plus tard par le day-and-date, sortie mondiale à date rapprochée bénéficiant de campagnes pub mondialisées. Puis, tout récemment, par la présence sur des marchés de niches, entraînant un partage des recettes équilibrées pour 007 : 30% USA, 40% Europe et 30% reste du monde, dont de « petits » pays.
À chaque fois, c’est James Bond inaugure ces dispositifs qui deviendront la norme. Seul n’a jamais été tenté : le tournage de deux épisodes en même temps comme dans certaines trilogies : Retour vers le futur, Le seigneur des anneaux, X-men ou Pirates des caraïbes…
Surfant sur ces innovations, Eon souhaite pourtant toujours maintenir pour 007 son statut de produit spécifique, en ne l’assimilant pas aux autres blockbusters. Ceci s’applique d’abord aux dates de sorties : aux États-Unis, en marge de certains carrefours calendaires où sont embouteillés les mégas-productions, James Bond sort en décalé. A l’inverse, Permis de tuer sort au milieu d’autres grosses pointures… avec le résultat que l’on sait.
Harry : manque, impair(s) et passe
Avec Les Diamants sont éternels, le budget passe définitivement dans la catégorie A. UA exige le retour de Sean Connery qui, non seulement obtient un salaire mirobolant et une part sur les recettes, mais aussi l’engagement du studio qu’il financera deux films au choix de l’Écossais. Le film enregistre un succès convenable. Sean refuse une nouvelle fois le smoking. Cela tombe bien : EON et UA s’entendent pour arrêter la fuite en avant en termes de salaire. Roger Moore fait une entrée financièrement modeste dans la saga. Vivre et laisser mourir et L’homme au pistolet d’or ne progressent plus en nombre d’entrées. C’est à ce moment précis que Danjaq et UA vont se rapprocher, du fait de la vente contrainte des parts d’Harry Saltzman.
Sur cette affaire, toute la lumière n’a pas été faite. Voici la version résumée la plus courante : Saltzman, contrairement à Cubby, ne se contentait pas de produire la saga… A la suite d’investissements malheureux, notamment dans Technicolor, il doit céder sa participation bondienne. Les deux hommes aux tempéraments trempés produisaient un nouvel opus à tour de rôle, mais en échangeant de moins en moins.
Dès lors, « Cubby », furieux que son partenaire ait renié l’engagement de garder ses parts à l’abri, refusa d’acheter pour renflouer Harry… qui se rapprocha donc de Columbia ! UA contrariée renchérit. Des flous subsistent sur cet achat. Quelles sont exactement les répartitions ? UA, a-t-elle des parts dans EON ? Quel pourcentage détient-elle dans Danjaq (dans sa biographie, Roger Moore affirme qu’Harry a vendu sa participation de 40% et non 50%) ? A-t-elle dès cette époque l’exclusivité de distribution à perpétuité des films ? On pariera, en tout état de cause, que son pouvoir d’intervention sur la destinée de notre agent préféré augmenta.
1977. Passé cette rocambolesque mésaventure, il semble que les films se font en bonne entente. Après trois années d’absences, UA et EON cassent leur tirelire pour L’espion qui m’aimait puis, profitant d’une politique fiscale plus avantageuse, les deux compagnies misent sur une coproduction avec la France pour tourner Moonraker aux studios de Boulogne.
Las, après la turbulence autour de Danjaq, c’est maintenant la structure UA / MGM, qui a racheté United Artists en 1981, qui souffre et voit monter en puissance un « docteur Folamour » nommé Kirk Kerkorian. Il fait subir aux studios des opérations d’amputations, sutures, anesthésies ou traitements de choc, pendant trois décennies et par intermittence.
Globalement, les eighties sont chaotiques : un management redondant d’un studio à l’autre, des licenciements en cascade, des changements de dénomination (les fans auront noté pendant quelques années le T de transamerica précédent le Gunbarrel), vente de droits à Ted Turner et surtout de nombreux échecs commerciaux…
Heureusement, 007 maintient le succès. Néanmoins, au grès du management des studios quelques aiguillages artistiques semblent avoir été actionnés. Un certain Frank Yablans, le général Alexander Haig, ancien secrétaire d’État des États-Unis, tenteront de donner des orientations républicaines et antisoviétiques aux films produits, comme dans Rocky IV ou Octopussy qui remet opportunément en avant le risque d’une menace à l’Est. Yablans tente aussi de contraindre EON sur Dangereusement Votre (cf. Le Bond n°21)… Cette valse des exécutifs continue son pas de deux avec les échecs au box-office : échecs épargnant notre robuste héros jusqu’à Licence To Kill, tournage de toutes les tensions.
UA/MGM ne croit plus en Timothy Dalton. EON résiste. Le studio veut aussi des économies. EON s’est révélée pionnière dans la « runaway production » (la production hors USA) pour réduire les coûts, notamment en Angleterre, fiscalité oblige. Cette fois-ci, c’est le Mexique. Les conditions de tournage y sont tellement éprouvantes que Cubby doit quitter le pays pour raisons de santé. On imagine le crève-cœur : laisser son équipe dont Barbara, sa vaillante fille, en pleine fournaise mexicaine. Elle y gagnera définitivement ses galons de (future) productrice.
Nouvelle contrariété. A sa sortie, le film ne rapporte pas autant que le studio l’espérait… précisément à cause de sa mauvaise distribution en salle. Rien ne va plus alors chez MGM/UA. Le fumeux Kerkorian échafaude des combinaisons branlantes pour se renflouer. La complexité des montages est assez effarante. Dans un panier de crabes digne d’un état-major du « Spectre » ou de « Quantum », où l’on croise déjà un certain Rupert Murdoch, c’est le sulfureux Giancarlo Parretti qui décroche la timbale cabossée. L’affairiste italien est appuyé par un prêt de Ted Turner (en échange des droits de distribution des futurs films du studio hors cinéma). Récent propriétaire de Cannon group puis de Pathé, soutenu par une filiale néerlandaise du Crédit Lyonnais, Parretti est bientôt traîné devant les tribunaux par Time Warner, qui rompt son soutien et l’accuse de céder aussi les droits des films à MGM/UA Home Video.
« Cubby » contre-attaque
En ce tumulte d’octobre 1990, « Cubby » Broccoli le placide sort néanmoins ses griffes. Avec l’aide de son juriste de beau-fils Michael Wilson, il attaque une partie de cette clique, accusée selon lui de vouloir brader les droits télévisuels de la saga pour financer ces montages boiteux.
Résumons-nous. Au milieu des années 90, Danjaq, détenu à 50% par UA/MGM, fait un procès… à UA/MGM ! Comment est-ce possible ? John Cork avance que, depuis le milieu des années 80, Broccoli a racheté les parts de UA dans Danjaq. L’information est difficile à confirmer. Pendant des années, une bataille fait donc rage au grand bonheur des cabinets d’avocats !
On le sait désormais, plus que l’insuccès relatif du cher Timothy : ce sont ces tribulations judiciaires qui ont bloqué la production des Bond de 1991 et 1993. Seul accord trouvé ? Celui pour un dessin animé télévisuel peu convaincant, James Bond Jr.
Parretti se débandant. C’est notre Crédit lyonnais national, ou plutôt la structure chargée de la gestion de sa propre déconfiture qui, après avoir déjà dépensé 2 milliards de dollars, devient propriétaire d’un studio en comas dépassé. Un cadavre ne vaut rien. Il faut donc ranimer par une nouvelle perfusion financière de… 400 millions ! On financera chichement, mais on financera Bond.
Dans ce contexte difficile, le placement produit ou « tie in », lancé à grande échelle pour Vivre et laisser mourir avec AMC automobile, se généralise. Des critiques raillent 007 en nouvel homme-sandwich. Si EON profite de cette manne, c’est surtout UA/MGM qui réduit par ce procédé le budget promotionnel lui incombant en tant que distributeur. Danjaq ne goûte sans doute pas cette potion amère qui constitue le régime obligé pour ranimer notre agent. Si l’histoire fiction est hasardeuse, un échec de GoldenEye eut été, sinon fatal, en tous les cas dramatique après six années d’absence. À quelques jours de sa sortie, le quotidien « Le Monde » titre en première page : « James Bond sauvera-t-il le Crédit Lyonnais ? » Si cette mission semblait impossible, au moins 007, aura-t-il sauvé sa peau et relancera même la série.
L’année 1996 s’annonce sous les meilleurs auspices. Mais devinez qui rachète MGM/UA ? Kirk Kerkorian bien sûr, en partenariat notamment avec Frank Mancuso ! Les trois derniers Brosnan sont normalement mis en boîte. Un accord entre l’acteur et la MGM incluent le remake de L’affaire Thomas Crown et le financement de The Nephew par la société de production co-créé par Pierce, Irish Dream Time. Neuf ans plus tard, Kirk Kerkorian, préférant se concentrer sur les casinos, vend le studio à Sony/Comcast. Entre-temps, l’ensemble des droits de Bond a été transféré définitivement de UA vers la MGM.
Hélas, décomposée, la MGM le fut en 2009 et 2010, mettant en péril la franchise, puis retardant le démarrage du 23ème opus de la saga. Notre agent dût attendre qu’on veuille bien renflouer le studio historique qui l’a accompagné, parfois combattu, depuis un demi-siècle. Et c’est en grande partie grâce à lui que le studio fut sauvé, tant le héros est financièrement « solide ». Terme d’une terrible actualité en ces temps de crise.
Plus que jamais, le studio intervient sur la stratégie de distribution, les placements produits, le choix des acteurs et actrices principaux, Bond en premier lieu. Barbara Broccoli dut ferrailler pour imposer Daniel Craig. Ajoutons à cela, le mot à dire sur la détermination des lieux de tournage, mais aussi sur le titre du film. L’épisode Licence To Kill /Licence Revoked est resté dans toutes les mémoires. EON est la meilleure garantie, la sauvegarde de 007 face aux studios si changeants. Les échanges souvent secrets entre les deux parties laissent filtrer quelques indices d’âpres négociations. La diplomatie l’a toujours emporté, chacun ayant intérêt à la poursuite de l’aventure. 2010 l’a prouvé.
Pour ses cinquante ans au cinéma, « James Bond will return ». Et ce n’est pas le moindre de ses exploits !
James Bond avant Eon
Si tous les projets d’adaptation au cinéma avant l’intervention d’Eon ont avortés, ils témoignent de l’intérêt que le personnage a toujours suscité auprès des producteurs du grand écran. James Bond devait immanquablement se retrouver un jour adapté au cinéma.
Si le roman Casino Royale est transposé à la télévision un an après sa sortie, Fleming vend aussi rapidement les droits cinématographiques. C’est tout d’abord Associated British Pictures qui se montre intéressé pour adapter le roman dès sa parution, en 1953. La même année, les studios MCA à Hollywood manifestent également leur intérêt pour adapter le roman. Finalement aucun accord n’est trouvé.
Dès 1955, Fleming vend pour 600 dollars une option sur les droits de Casino Royale à Gregory Ratoff. Ce dernier acquiert les droits définitifs pour 6 000 dollars. Enchanté Fleming s’achète aussitôt une Ford Thunderbird décapotable. Ann Fleming trouve l’engin hideux et impraticable. Ratoff ne parvient pas à monter son projet et décède sans que le film de Bond ne soit produit. En 1961, c’est le producteur Charles K. Feldman qui rachète les droits cinématographiques de Casino Royale auprès de la veuve de Gregory Ratoff. Le reste fait partie de l’histoire…
Au début de l’année 1954, Ian Fleming et son épouse, sont prêts à partir en vacances dans leur villa en Jamaïque. Le second roman de James Bond, Vivre et laisser mourir, est sous presse, prêt à être publié dans quelques mois. Sur le départ, les Fleming reçoivent une lettre du producteur de cinéma Alexander Korda : “ J’ai lu une épreuve de votre livre, Vivre et laisser mourir, actuellement sous presse. C’est l’un des romans les plus réjouissants qui m’ait été donné de découvrir. Je n’ai pu le reposer avant de l’avoir terminé. Je l’ai ensuite passé vers minuit à mon épouse pour qu’elle le lise. Elle n’a pu aller se coucher avant de l’avoir entièrement lu. ”
Korda décide de faire lire l’ouvrage aux réalisateurs David Lean et Carol Reed pour avis. Ian Fleming répond au producteur que son prochain roman, Moonraker sera plus cinématographique. Il lui suggère d’en attendre la sortie et d’en acheter les droits. En fin de compte, Korda, sans doute peu convaincu par le nouveau roman, abandonnera l’idée de produire une adaptation d’un livre de Fleming.
A la fin de l’année 1954, le producteur de la Warner, Stanley Meyer, est désireux d’acheter les droits de Vivre et laisser mourir et de Moonraker. Fleming réclame 1 000 dollars pour une option sur un roman et 25 000 dollars par film produit. Meyer offre 500 dollars pour une option et 5 000 dollars pour les droits de ces deux films, ainsi que ceux de tous les futurs romans de James Bond. Fleming refuse et l’adaptation, une fois de plus, n’aboutit pas.
Si Moonraker a intéressé la Warner avant même sa parution, la publication du roman (en 1955) met plusieurs producteurs sur les rangs. A la mi-novembre, en Amérique, l’acteur John Payne offre 1000 dollars pour une option sur neuf mois, plus 10 000 si le film entre en production. A la même période, outre-Manche, la Rank, compagnie britannique de production, qui possède à l’époque les studios de Pinewood cherche à produire un film à partir du roman Moonraker. Fleming reçoit un télégramme de son agent lui annonçant une offre ferme de 5 000 dollars pour produire ce film, si Fleming annule les accords avec Payne à Hollywood.
Il reçoit un câble en retour l’informant de l’impossibilité d’annuler le contrat avec Payne sans passer par un procès. Après plusieurs échanges, Payne annonce que l’accord concerne non seulement l’adaptation de Moonraker mais également celle de tous les romans de Fleming. Cape, l’éditeur de Fleming, ne le voit pas de cet oeil là et le fait savoir. Fleming est déchiré entre les deux offres mais penche en faveur de Cape et de la Rank.
En décembre, Payne, lassé des négociations et retournements incessants, abandonne la partie au profit de la Rank. La société britannique semble alors ne pas savoir comment approcher le personnage.
Plusieurs scénarios sont écrits sans donner satisfaction. Fleming, irrité par l’immobilité de la compagnie, rédige un script de Moonraker. Finalement, la Rank ne donne pas suite, mais se montre plus motivée pour adapter Les contrebandiers du diamant pour 13500 livres sterling. Fleming, demande 1000 livres supplémentaires en contrepartie de l’écriture d’une trame pour le cinéma.
Mais il ne parvient pas à tenir ses engagements et le projet ne voit pas le jour. Lorsque James Bond contre Docteur No est publié en 1958, Fleming est contacté par un producteur indépendant, désirant adapter le roman au cinéma. Celui-ci propose une option de 1 000 dollars avec 10 000 supplémentaires lors de la production.
L’auteur fait grimper les enchères jusqu’à tripler la mise. Le producteur accepte. A cette époque, le romancier est engagé dans un vaste projet d’adaptation de James Bond en série télévisé. Il décline donc la proposition cinématographique. Mais le projet de série TV ne verra pas non plus le jour.
L’année suivante, en 1959, Fleming est contacté par son ami Ivar Bryce, qui vient de monter une société de production de films, la Xanadu, avec le réalisateur et producteur irlandais Kevin McClory. Tous deux désirent réaliser un film de James Bond.
McClory, qui a lu plusieurs des ouvrages de Fleming, les adore mais ne les trouve pas assez cinématographiques. On opte donc pour un film qui ne s’inspirera pas d’un des livres de l’auteur. Un contrat est signé pour 50 000 livres sterling, autorisant l’utilisation du personnage de James Bond et du scénario qu’il aura écrit.
Fleming rédige alors un premier scénario qui n’est pas retenu. On engage un scénariste, Jack Whittingham, qui reprend le travail originel du créateur de Bond. Le projet est baptisé James Bond of The Secret Service. Contacté Hitchcock se dit intéressé pour mettre en scène le projet.
Richard Burton accepte d’être 007. Cependant, les relations entre Fleming et McClory commencent à se détériorer. Visiblement Fleming, appuyé par Bruce, cherche à mettre le producteur hors de course. En parallèle, McClory éprouve de plus en plus de difficulté à trouver les financements pour son film, d’autant que le budget explose au fur et à mesure que le scénario prend forme. De plus, son film Boy and the Bridge, présenté au festival de Venise, est un cuisant échec commercial, ce qui handicape sérieusement le montage financier du projet.
Fleming prend alors de plus en plus de distances avec le projet. Il s’inspire du scénario écrit avec Whittingham et McClory pour rédiger son nouveau roman Opération Tonnerre ; ce qui déclenchera un procès qui affectera considérablement la santé de Fleming.
Entre temps, le projet est arrêté et le scénario enterré. Nous sommes en 1961. Entrent en scène, Harry Saltzman puis Albert Romolo Broccoli, qui chacun de leur côté désirent produire des films de James Bond. En s’associant et en créant la société de production EON, ils parviennent enfin à donner vie au projet James Bond et signent un accord avec l’auteur le 1er mai 1961. Le 16 janvier 1962, l’équipe se rend en Jamaïque pour tourner les premières scènes de James Bond contre docteur No.
Cinquante ans plus tard, Skyfall vingt-troisièmeaventure de 007 produit par EON, est en chantier et le héros de Ian Fleming, toujours aussi vivace, est devenu une icône cinématographique.
Pierre Rodiac