Barbara Broccoli & Michael G. Wilson, l’interview des 60 ans !
FROM EON WITH LOVE
Il y a un peu plus d’un an, le lundi 22 aout 2022 exactement, Luc Le Clech, président du Club James Bond France, a été invité à EON House à Londres par EON PRODUCTIONS avec une mission très spéciale : Interviewer les deux producteurs de la saga : Barbara Broccoli et Michael G. Wilson.
Par Luc Le Clech
Quel est, pour chacun de vous, votre plus vieux souvenir associé à Bond ?
Barbara Broccoli : Pour moi, indubitablement, On ne vit que deux fois, lorsque nous étions au Japon. Je me revois avec toute ma famille et je me souviens de mon émerveillement devant cette beauté, cette culture, cette esthétique si différentes de ce que je connaissais. Ma sœur et moi avons assisté à la cérémonie du thé – pour deux petites filles, c’était un spectacle extraordinaire. Voilà pour mon premier souvenir, mais, bien sûr, j’en ai des millions et des millions d’autres !
Michael G. Wilson : J’étais étudiant à l’université, aux États-Unis. Cubby et Dana m’ont prévenu que Dr. No allait sortir, et je suis donc allé le voir avec des camarades. C’est ainsi que j’ai découvert James Bond.
Quand avez-vous commencé à travailler vraiment, à occuper officiellement une fonction dans la production des « Bond » ?
BB : Sur L’Espion qui m’aimait. J’ai travaillé au département publicité. Une expérience fantastique.
MGW : J’ai travaillé brièvement sur Goldfinger, pour la séquence Fort Knox, comme, disons, assistant de plateau, troisième assistant réalisateur. Avec une équipe réduite, alors que le tournage était terminé, je suis allé tourner quelques plans raccords. Telle a été ma première contribution à Bond. Mais c’est plus tard, au début des années soixante-dix, que j’ai rejoint la production comme avocat. Je me suis occupé des dossiers juridiques.
Avez-vous eu l’occasion de rencontrer Ian Fleming ?
MGW : Non, jamais.
Comment vous répartissez-vous les tâches ?
MGW : C’est Barbara qui fait tout le boulot et c’est moi qui récolte les lauriers !
BB : Ah ! Michael… ! Nos fonctions se recoupent beaucoup. Michael est scénariste et sait raconter une histoire. Il a aussi une formation scientifique, ce qui constitue un atout majeur pour de nombreux aspects de la production. Nous nous occupons tous les deux de tout, mais nous avons chacun des domaines de prédilection. Nous faisons donc tout ensemble, mais en nous concentrant chacun sur des domaines différents.
MGW : Parfois, quand la seconde équipe est en train de tourner ailleurs pendant une longue période, l’un de nous deux la rejoint, cependant que l’autre reste avec la première équipe, que ce soit en studio ou en extérieur. Tout cela représente beaucoup de travail et nous avons de quoi nous occuper !
Bond a toujours été présenté comme « une affaire de famille ». Cette définition vaut-elle encore aujourd’hui ?
BB : Absolument.
MGW : C’est toujours le cas. Mon fils Gregg et ma nièce Heather nous ont rejoints.
C’est peu commun !
BB : Je pense que Francis Coppola a lui aussi travaillé « en famille ». Mais ce qui est intéressant dans notre cas, c’est que nous voyons les choses comme une affaire de famille, ce qui fait des « Bond » des productions indépendantes, mais ce sont aussi des superproductions de studio, et donc, oui, c’est peu commun. Souvent des gens nous disent : « Ah ! puisque vous avez des rapports avec les “Bond”, vous arrive-t-il d’aller sur les plateaux ? » Est-ce que je vais sur les plateaux ? Mais nous y allons tous les jours, et nous y sommes du matin au soir ! Ce n’est pas un passe-temps, c’est notre métier ! Un CDE – un contrat à durée éternelle.
Héritage de Cubby ?
BB : Oui, nous avons été à bonne école.
Quelle importance accordez-vous aux fanclubs ?
BB : Nous aimons les fanclubs. Nous faisons ces films pour les fans, pour le public. C’est à eux que nous pensons d’abord quand nous produisons nos films. Le club français a été d’une fidélité exemplaire et nous vous félicitons pour votre 25e anniversaire. Nous aimons cette constance que nous trouvons dans les clubs. Nous aimons l’idée que nombre de nos comédiens et techniciens entretiennent d’excellents rapports avec les clubs et participent aux conventions en France, en Suisse, dans le monde entier. Nous sommes fans des fanclubs. Nous n’allons bien sûr pas faire de favoritisme et préférer tel club à tel autre. Nous nous efforçons de communiquer avec eux de la manière la plus large possible.
On peut regretter qu’il n’y ait pas de club anglais…
BB : C’est vrai, c’est dommage. Mais les « Bond » sont des films internationaux.
Avez-vous des regrets quand vous jetez un regard sur tous les films que vous avez produits ?
BB : Nous venons de terminer un documentaire, The Sound of 007, sur la musique des « Bond » à travers six décennies. Et j’ai dans l’esprit un regret récent, celui de n’avoir pas eu une chanson d’Amy Winehouse. Cruelle lacune, car elle aurait été parfaite. Elle avait un talent extraordinaire et c’était une belle personne.
Que pensez-vous de la concurrence – Jason Bourne, les films Marvel, la série Mission : Impossible… ?
BB : Ce qui est incroyable et dont nous fait prendre conscience ce soixantième anniversaire, c’est que ce sont Cubby, Harry Saltzman et toute l’équipe originelle qui ont créé le genre. Et les « Bond » ont par la suite sans cesse défriché le terrain, pris des risques, adopté différents styles à travers les ans. Beaucoup de films ont donc imité Bond, ce qui est très flatteur, mais Bond a été la base. Nous sommes très fiers du travail accompli par l’équipe fondatrice… L’univers de Bond, l’action, l’humour pince-sans-rire – tout cela, c’était Cubby et Harry, le scénariste Richard Maibaum, Terence Young… Le style de montage de Peter Hunt était absolument révolutionnaire à l’époque… Ken Adam était lui aussi un artiste novateur. Dans tous les départements, les créations de l’équipe originale étaient littéralement extraordinaires. Nous nous réjouissons d’avoir des imitateurs et des concurrents : leurs films sont bons, et – ce qui est l’essentiel – font aller les gens au cinéma. Nous nous réjouissons quand il y a des films excellents sur le marché : les gens qui vont voir un Marvel reviendront au cinéma pour voir un Mission : Impossible ou un « Bond ». Et c’est de ce public régulier que nous avons besoin.
James Bond est-il toujours bien utile dans le contexte géopolitique actuel ?
MGW : Quand le Mur de Berlin est tombé, on a pu croire que c’était la fin de James Bond – qu’on n’avait plus besoin de lui. Fausse prédiction ! Cet événement montrait au contraire à quel point James Bond était nécessaire. Plus la situation se complique, plus nous avons besoin de Bond… plus il nous faut des Bond, prêts à sacrifier leur vie pour garantir la sécurité du monde, car telle est bien la mission de Bond.
Quel sera votre prochain cameo ? Et vous, Barbara, jamais tentée d’apparaître sur l’écran ?
BB : Je fais une apparition éclair dans Chitty Chitty Bang Bang. Je devais avoir sept ans. Et on entend ma voix dans Rien que pour vos yeux. Sinon, rien d’autre. Je reste dans les coulisses. Michael est la cameo star des films !
MGW : C’est devenu une espèce de tradition. Une espèce de porte-bonheur.
BB : Une superstition…
Comment envisagez-vous, non pas votre prochain « Bond », mais votre succession – l’avenir dans dix, vingt ans ?
BB : Qui sait ?
MGW : À chaque film suffit sa peine. Une chose après l’autre. C’est la seule manière de procéder. Le but, c’est de produire chaque fois un bon film, sinon…
Même si vous débordez d’idées, le défi que Bond représente pour vous aujourd’hui est encore plus grand que d’habitude.
BB : Oui, mais c’est précisément ce qui nous stimule !
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What is, for each of you, your oldest memory associated with Bond?
Barbara Broccoli: Mine is certainly You Only Live Twice, when we were in Japan. I remember being there with my family and I remember being in awe of the beauty, the culture, the totally different aesthetic. I remember my sister and I were in a tea ceremony – for two little girls, it was extraordinary. That’s my first memory, and obviously I have millions and millions more!
Michael G. Wilson: I was in university in the United States. Cubby and Dana told me that Dr. No was coming out, so I went to see it with some college friends. That’s the first time I saw James Bond.
When did you start to really work – to officially hold a position in a Bond production?
BB: The Spy Who Loved Me. I worked in the publicity department. It was a fantastic experience.
MGW: I was briefly involved in Goldfinger, for the Fort Knox sequence. I was like a runner, third assistant director type with a skeleton crew. That was actually after the film wrapped. They went there and did some pick-up shots. But it wasn’t until the early seventies that I came over and got involved as a lawyer.
Did you have the opportunity to meet Ian Fleming?
MGW: I never met Fleming.
How do you share the work?
MGW: She does all the work and I get all the credit!
BB: Ah, Michael…! We tend to overlap a lot. Michael is a writer, so he is very good on story. He also has a scientific and engineering background, which is incredibly important and helpful in so many areas of the making of the films. We’re both on everything, but we have different particular interests. So we do everything together, but we focus on different areas.
MGW: Sometimes, when we have extended second unit periods, one of us goes and works with them. Then the other one stays with the first unit, in the studio or on location. There is a lot to do and it keeps us pretty busy!
Bond has always been described as a “family business”. Is that still true today?
BB: Definitely.
MGW: It still is. My son Gregg and my niece Heather are involved as well.
That’s unique.
BB: I think Francis Coppola has this kind of family business too. But what’s interesting about us is that we approach it as a family affair, and it’s like an independent film, but it’s a big studio movie at the same time, so, yes, it is kind of unique. Often people will say: “Oh, you’re involved with the Bond films. Do you visit the sets?” Do I visit the sets? We are there every day, all day, all the time! It’s not a hobby, it’s what we do with our lives! It is a lifetime commitment.
Cubby’s legacy?
BB: Exactly. We learned from the best!
How important are the Bond fan clubs to you?
BB: We love fan clubs. We make these films for the fans, for the audiences. They’re the single most important elements in the making of the films. The French club has been very loyal and we congratulate you on your 25th anniversary. It’s really fantastic. We love the fact that the fans keep going, that a lot of the actors and technicians in our films have a great relationship with the clubs too, and attend the events in France, Switzerland, all over the world. So we are big supporters of the fan clubs. We can’t show favoritism really over one or another. We try to keep a good open communication with them .
It is unfortunate that there’s no English club…
BB: I know, it is a shame. But these films are global and international.
Do you have any regrets when you look back on all the films you have produced?
BB: We’ve just done a documentary, The Sound of 007, about Bond music over the sixty years. And one particular regret is very fresh in my mind, which is that we didn’t get Amy Winehouse to do a song. It was very tragic, because she would have been perfect. She was such an extraordinary talent and such a beautiful human being.
What do you think of the competition – Jason Bourne, the Marvel films, the Mission: Impossible series…?
BB: What’s incredible about this 60th anniversary is, when you look back at Cubby, Harry Saltzman and the entire original team, you realize they really created the genre. And the Bond films have explored and taken all kinds of risks and chances, adopting different styles through the years. So a lot of films have imitated Bond, which is a great compliment, but Bond was the original. We’re very proud of the extraordinary work of the original team… The scope of Bond, the action, the tongue-in-cheek humour – it was Cubby and Harry, Richard Maibaum and the original writers, Terence Young… Peter Hunt’s editing style changed dramatically the way films were edited at the time… Ken Adam created a new cultural style. In all departments, the original team’s creations were truly extraordinary. So, it’s great to have imitators and competitors: those movies are great movies, and, what’s most important, people go to the cinema and enjoy them. So we love it when there are great films out there: people who go and enjoy a Marvel movie will come again to see a Mission: Impossible or a Bond film. They’ll keep coming to the movies and that’s what we need.
Is James Bond still useful in the current geopolitical context?
MGW: When the Wall came down, everybody said that was the end of James Bond – that he was no longer needed. That proved to be untrue. It showed you how we did need James Bond. The more complicated things get, the more we need Bond… the more we need people like Bond, willing to serve and give their lives to make the world a safer place, because that is what James Bond is all about.
What will your next cameo be? And you, Barbara, ever been tempted to appear on screen?
BB: I am very briefly in Chitty Chitty Bang Bang. I must have been seven years old. And you can hear my voice in For Your Eyes Only. Other than that, no – I am very much behind the scenes. Michael is the cameo star of the movies!
MGW: It’s become a little bit of of tradition. It’s like a good luck charm.
BB: A superstition…
How do you see, not your next Bond film, but your succession – the future, ten, twenty years from now?
BB: Gosh! Who knows?
MGW: It’s one film at a time. You just have to make it that way. We have to make a good one, because, if we don’t make a good one, it could be… So that’s all we can hope for.
Even though you must be teeming with ideas, the challenge that Bond represents for you today is even greater than usual.
BB: Yes, but that challenge is exciting!